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L’œil du Loup, un regard aiguisé et bienveillant afin de lutter contre les discriminations de genre

Les filles et les garçons grandissent-ils dans le même monde ? A première vue, oui ! Fini le temps où les filles sont exclues des écoles, consignées à la cuisine, aux tâches ménagères et à la couture.

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Et pourtant... l'égalité de genre dans notre société est-elle effective ?

Il est admis par tous qu’en ayant accès à l’éducation, les filles peuvent également franchir les portes des grandes écoles, laisser tomber les gants de soie pour revêtir des gants de chirurgienne, se préoccuper davantage de revêtir la robe noire des avocats que celle des dernières tendances. Des couples choisissent l’homme pour prendre soin des enfants, et la femme pour ramener l’argent à la maison. Les portes autrefois si closes pour chacun des genres sont désormais ouvertes à tous et à toutes. Quand on veut, on peut ! Vraiment ? Mais alors, une question demeure : ces portes désormais si grandes ouvertes sont-elles alors franchies, dans la pleine mixité qu’elles devraient permettre ?

Quand on se penche sur la question, survient alors le paradoxe. Parlons mathématiques, et laissons s’exprimer les chiffres. Les places dans les filières scientifiques et politiques restent majoritairement occupées par des hommes. Si l’on prend l’exemple des grandes écoles, on ne peut croiser que 14% de femmes dans la branche de Polytechnique. Elles ne sont qu’un quart à occuper les places de l’ENA, l’école qui forme nos élites politiques. A l’inverse, les femmes investissent massivement la filière littéraire en représentant 74% des élèves. Elles sont également très majoritairement présentes dans les métiers du « care », autrement dit du soin et de la santé.
On peut alors certes considérer que les femmes tendent naturellement à l’amour des Lettres et au soin d’autrui, et que les hommes sont passionnés de manière innée à la résolution de problèmes et à la posture de dirigeants. Mais on peut aussi considérer que le poids de schémas archaïques subsistent dans notre culture et que nous sommes guidés tout au long de notre vie par des codes qui nous influencent et nous orientent selon notre genre, la plupart du temps de manière inconsciente.

L'association L'Oeil du Loup : quelle origine, quelles perceptions ?

C’est ce dernier point de vue que défendent Laureline CARBUCCIA, psychologue sociale et Johanne RANSON, animatrice de prévention et conseillère conjugale et familiale. Pour ce faire, elles ont créé l’association L'Oeil du Loup, affiliée à la Ligue de l’Enseignement. Loin de l’image féroce auxquelles sont assimilées à la fois les loups et les féministes par leurs détracteurs, Laureline et Johanne ont choisi ce nom en rapport avec l’histoire éponyme de l’auteur de littérature jeunesse Daniel Pennac et d’un conte cherokee (peuple d’Amérique du Nord) nommé Les deux loups. Pour ces deux défenseuses de la Communication Non Violente, ces deux histoires sont avant tout métaphores du vivre ensemble, et de la gestion de la colère par la connaissance.
Par le biais de formations et d’interventions, Laureline Carbuccia et Johanne Ranson allient leurs savoirs complémentaires pour proposer d’aiguiser notre regard sur les micro-discriminations du quotidien qui nous touchent dès le plus jeune âge, avec l’aide des outils divers que propose l’éducation populaire. En installant un cadre bienveillant, elles invitent à réfléchir collectivement à des questions parfois taboues pour ainsi dépasser les clichés. Mettons en exemple, Les filles et les garçons sont-ils complémentaires ? C’est dans les divers points de vue des participants et les sources de Laureline Carbuccia et Johanne Ranson que les questions avancent, tantôt on évoque la science, la physionomie, les codes sociaux, la sexualité, les anecdotes personnelles, les émotions. Et alors, on change d’avis, ou non, mais il est sûr que nos idées murissent. Leur force est également celle d'adapter le contenu de leur travail aux diverses attentes des groupes participant à la formation. On avance en rythme, on ne brusque pas.

La socialisation différenciée, fondement d'une société genrée

Lors des formations consacrées aux animateur-trices, enseignant-es, educateur-tices qui gèrent des groupes d’enfants ou d’adolescent-es, la première étape consiste à faire prendre conscience aux participants des éléments qui constituent la socialisation différenciée. Elle désigne la construction de l'identité sexuée qui dure toute la vie et qui est induite par de nombreuses sphères de socialisation. Elles proposent ainsi de conscientiser cette dichotomie et invitent à remettre en question son environnement, le langage codé des publicités, les propositions de vie offertes aux enfants dans les histoires selon qu'ils/elles soient filles ou garçons, l’occupation de l’espace, l’urbanisme, etc.
Après ce constat, on apprend à ne plus répéter et reproduire cette socialisation différenciée avec les autres à partir d’exemple concrets, de conseils et également d’échanges de pratiques dans la vie de tous les jours, et dans le cadre de l’éducation. C’est souvent malgré nous que nous répétons ces codes au quotidien, on agit de manière différente avec les filles et les garçons depuis leur plus tendre enfance, et ce, malgré nos convictions sincères d’une égalité entre les deux sexes. Savez-vous par exemple qu’en fonction du genre de l’enfant, on ne porte pas de la même manière un bébé? Que l’on perd plus rapidement patience avec une fille turbulente qu’avec un garçon qui adopte le même comportement ? Ces exemples qui semblent dérisoires sont pourtant, lorsque qu’ils sont mis bout à bout, déterminants pour les enfants.

Les femmes, uniques victimes de cette socialisation ?

Les deux expertes interviennent également auprès de groupes d’enfants et d’adolescents dans le but de les sensibiliser, afin qu’ils se renforcent face aux pressions qu’exerce leur genre respectif. Les garçons sont eux aussi victimes : on leur interdit d’être sensibles, émotionnels. La virilité s’érige comme une valeur, une norme masculine à laquelle les hommes doivent se soumettre. L’on sait la difficulté, en particulier à l’adolescence, de la pression de la virilité chez les garçons, et de la féminité chez les filles (féminine, mais pas trop…) ainsi que le mal-être de ceux qui ne conviennent pas à ces normes strictes et étouffantes. Pareillement, la question de l’homosexualité extrêmement taboue, est une question à traiter avec beaucoup de pédagogie et de stratégie, puisqu’elle peut renfermer les adolescent-es même davantage.

 

Les co-fondatrices de l’association L’œil du Loup, ont animé une journée de formation autour de l’égalité fille-garçon et de la littérature jeunesse le 15 février 2018, destinée en grande majorité aux bénévoles de Lire et Faire Lire.

Entamant la matinée par un débat mouvant, ce jeu d’éducation populaire permet de réfléchir de manière commune, de ne pas être d’accord, mais aussi de s’écouter et de rebondir. Une conférence de Catherine Vidal a ensuite été proposée. Elle s’intitule « Le cerveau a-t-il un sexe » ? C’est à partir de ces outils que la socialisation différenciée a été abordée.
Afin de lier ce concept sociologique avec la littérature jeunesse, les formatrices ont présenté plusieurs sphères de socialisation. Celles-ci induisent des représentations qui influent alors sur la réalité : les jouets, le sport, l’école, les manuels scolaires… Dans chacun de ces domaines, on représente principalement la fille comme tournée vers le beau, l’esthétique, l’intérieur et le soin, contrairement au garçon, plus autonome, destiné à l’exploit et à l’aventure.
Ces discriminations découlent de processus psycho-sociaux, les stéréotypes. Tout humain dispose d'un cerveau qui catégorise et généralise de façon automatique, afin de simplifier la réalité. Ainsi, chaque être humain est-il construit avec des stéréotypes. Lorsqu’ils impulsent des catégorisations négatives, ils menacent cependant la confiance et l’estime de soi, renforçant alors le système sexiste sur lequel repose notre société.

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De nombreux ouvrages de littérature jeunesse divulguent pourtant des stéréotypes de genre, ayant ainsi une influence dans la représentation que chaque enfant se fait de lui-même. Dans quelles mesures sont-ils présents ? Comment, alors, les contourner et les déconstruire ?

Littérature jeunesse et domination masculine
La littérature jeunesse n’est pas épargnée ! Les discriminations de sexe y sont encore surreprésentées. Une analyse de Brugeilles & Cromer sur plus de 500 ouvrages démontre de manière indubitable une domination masculine au sein des albums illustrés. 100% des livres font apparaître des personnages masculins alors que dans un quart d’entre eux, il n’y a aucune présence féminine.
Par ailleurs, le masculin est utilisé comme « neutre universel », plaçant le féminin comme sous-catégorie. Les personnages sont genrés et pour représenter un personnage fille, on lui ajoute simplement un attribut spécifique (barrette, jupe…).
On remarque également dans la plupart des œuvres un manque de représentativité des personnages féminins. Deux phénomènes sont à noter :
• Le syndrome de la schtroumpfette : une seule femme représente l’ensemble de la société féminine.
• Le test de Bechdel concernant les œuvres de fiction :
o Y-a-t-il deux femmes identifiables ?
o Parlent-elles ensemble ?
o Parlent-elles d’autres choses que d’un personnage masculin ?
Lorsque l’on étudie des livres et les œuvres de fiction, on réalise que très peu d’entre eux passent le test de Bechdel. Comment construire alors sa bibliothèque de manière égalitaire ?
Déroger aux stéréotypes grâce à la construction d'une bibliothèque égalitaire
Que faire pour lutter contre ce système sexiste ? Inutile de se culpabiliser, mais essayons plutôt de réfléchir sur les stéréotypes qui nous viennent à l’esprit, d’abandonner les filtres négatifs qui nous imposent de catégoriser afin de les déconstruire et d’éviter ainsi les inégalités qui en découlent.
Cela ne veut pas dire non plus qu’on doit arrêter de lire chaque livre qui ne répond pas positivement au Bechdel Test, cependant il faut essayer de lire davantage d’ouvrages égalitaires :
• Dévoilant une parité numérique, avec des héros et héroïnes, des personnages féminins représentant des modèles émancipateurs, indépendants, audacieux
• Légitimant l’expression des sentiments chez les filles comme les garçons (tristesse, peur, tendresse…)
• Relativisant le mythe du prince charmant (Pourquoi les filles se déguisent-elles toutes en princesse et jamais les garçons en prince charmant … ? Que cela implique-t-il ?)
• Offrant une mixité dans les rôles des personnages, les illustrations, le langage utilisé… Il faut également faire attention à ce que les petits animaux ne soient pas exclusivement féminins et les gros félins masculins.
• Favorisant l’écriture inclusive et la féminisation des noms de métiers.
Par ailleurs, il faut éveiller les enfants au fait que la littérature jeunesse transmette des stéréotypes de genre mais que les différences et aspirations sont propres à chaque être humain, à leur tempérament et non liées au sexe.
Télécharger une bibliographie d’ouvrages jeunesse qui luttent contre la différenciation sexuée
Petits & grands, filles comme garçons, essayons de transmettre des images et modèles à la fois libérateurs et égalitaires, aventuriers et sensibles auprès de chaque personne que l'on rencontre.
Un grand merci aux bénévoles de Lire et Faire Lire, à la compagnie Traffic d’Art, à l’association de l’Union des Femmes et des Familles, au Centre Social de l'Estaque et surtout aux formatrices de l’association L’œil du Loup pour cette formation.

Et vous, ne seriez-vous pas intéressé-es par une formation proposée par l'Oeil du Loup ?

Si vous cherchez des clés et des conseils concrets pour tendre vers une éducation plus égalitaire entre les filles et les garçons, et ainsi leur donner des chances équitables dans la vie... Si vous souhaitez ouvrir les enfants à la tolérance et au respect des aspirations de chaque personne indépendamment de leur sexe, dès leur plus jeune âge... Ou encore si vous doutez quant à votre manière d'aborder la question du genre avec des adolescent-es...

N'hésitez pas à contacter l’association L'œil du Loup. Elles ne mordent pas, promis !

CONTACTS:

Laureline CARBUCCIA / 06 25 45 58 70
Johanne RANSON / 06 12 58 87 83
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. / 04 91 50 78 73

Siteweb: loeilduloup.fr