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Épisode 2 : zoom sur la Roue, monnaie locale marseillaise

 

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La série d'articles initiée le mois dernier sur les monnaies locales poursuit son chemin. Dans l'épisode 1, on vous expliquait le mouvement global de ce dispositif, son origine, sa raison d'être et ses conditions d'existence. Pour que ces propos se rapportent un peu plus à notre réalité, on revient aujourd’hui pour vous parler de la Roue, monnaie locale complémentaire et citoyenne (MLCC) de Marseille et de Provence – Alpes du Sud.

Pour ce faire, un léger détour sur la construction de cette monnaie locale au sein de la région sera de mise afin de mieux l'appréhender. Puis, nous vous dévoilerons la marche à suivre pour s'approprier la Roue, que ce soit en tant que particulier ou professionnel.le. 

Rétrospective et réappropriation

La Roue se développe dans le Vaucluse en 2011 et s'implante à Marseille trois ans plus tard. Aujourd’hui, ce sont quatre départements de la région PACA qui utilisent cette monnaie locale. C'est pourquoi vous avez peut-être déjà entendu parler de la Roue du Pays d’Aix ou encore de la Roue Salonnaise. La Roue est la même partout, comme seule variante la localité où elle a été émise, différence visible au dos de chaque billet.

Dans chacun de ces départements, des associations comme la Roue Marseillaise se chargent de veiller à la pérennisation de cette monnaie locale. Dans un désir d’uniformité, une de ces associations, le Système d’Échanges pour Vitaliser l’Économie (SEVE) la Roue, située dans le Vaucluse et créée en 2016, sert de point de rencontre pour s’accorder sur divers sujets comme la gestion du fonds de garantie, une partie étant utilisée par la banque partenaire, la Nef.

En écho à d’autres structures associatives du territoire français, la Roue Marseillaise fait le même constat désolant : les petits commerces deviennent déserts, les entreprises sont délocalisées à outrance sans se soucier de la pollution engendrée par les transports, le chômage perdure, les liens sociaux se perdent… Véritable projet de société, la monnaie locale apparaît comme une solution pour limiter ces dysfonctionnements.

Les MLCC redéfinissent le paysage monétaire français, en apportant une gestion décentralisée, citoyenne, éthique et écologique de la monnaie.” La Roue Marseillaise

la roue infographie

- Une gestion décentralisée

La loi de 2014 sur l’ESS est claire, seul le milieu associatif peut se charger de la mise en œuvre et de la gestion d’une monnaie locale sur un territoire donné. Dès lors, vous n’entendrez parler ni de Banque Centrale Européenne ni de Banque de France. En effet, il n’y a pas de gestion étatique mais locale puisqu’il s’agit de répondre à des besoins locaux, d’être au plus proche de la réalité des habitant.e.s. Une telle manière de procéder permet à l’économie de rester sur le territoire et d’avoir une prise sur elle.

- Une gestion citoyenne

“Tous décideurs”, c’est ce que revendique haut et fort la Roue Marseillaise, parce que renforcer son indépendance, c’est également redonner aux citoyen.ne.s un pouvoir d’agir sur leur quotidien. L’association est pleinement consciente du pouvoir du collectif et c’est pourquoi “la Roue est fondée et gérée par des citoyens”. Effectivement, toutes les décisions se prennent ensemble. “Ainsi les utilisateurs décident eux-mêmes où va l’argent. La monnaie devient un bien commun”.

- Une gestion éthique et écologique

Face à une pollution de masse et un environnement qui se désagrège, l’association s’engage sur la voie de la réduction de l’impact écologique de l’économie. Pour poursuivre ce but, faire le choix d'une banque partenaire éthique est essentiel. C'est pourquoi la Nef apparaît comme idéale puisqu'il s'agit d'une coopérative qui finance uniquement des projets locaux, à utilité sociale, écologique et/ou culturelle. De plus, toujours dans un souci de redonner du pouvoir aux citoyen.ne.s, le choix leur revient de désigner les projets en question.

La Roue et le particulier

Pour utiliser la Roue en tant que particulier, il y a quelques étapes à suivre :

1. Se renseigner, prendre le temps d’aller voir le site internet dédié au territoire où vous vous trouvez. Par la même occasion, n’hésitez pas à consulter la charte de l’association car même si toutes les associations de la Roue gravitent autour d’idées communes, les chartes de chacune d’elles peuvent différer sur certains points.

2. Adhérer à l’association. Pour ce faire, plusieurs façons s'offrent à vous, en ligne, par voie postale, ou dans un comptoir de change.

3. Se rendre dans un comptoir de change pour échanger des euros contre des Roues.

4. Regarder la carte interactive https://carte.laroue.org/annuaire#/carte/@43.84,5.53,8z?cat=all pour avoir un aperçu de tous les professionnel.le.s chez qui vous pourrez dépenser vos Roues en poche (sachant que l’appoint se fait en euro). De plus, c'est sur cette même carte que vous trouverez les différents comptoirs de change.

Pour imaginer avec un peu plus d'acuité ce qu'est la Roue, cette courte vidéo explicative peut aussi vous aider : https://www.youtube.com/watch?v=KKwyYoO5Yk4 

Et parce qu’on ne pourrait pas le dire mieux que la Roue Marseillaise elle-même, on vous laisse jeter un coup d'œil au récap des arguments qui vous donneront peut-être envie de sauter le pas. C’est par ici ! https://laroue.org/pourquoi-utiliser-la-roue 

La Roue et le professionnel

Afin d'accepter la Roue en tant que professionnel.le, il y a quelques informations à avoir. D'une part, l'entrée est ouverte à tous.tes les professionnel.le.s, peu importe leur statut. D'autre part, l'intégration doit être en cohérence avec les valeurs qui animent la Roue. C'est pourquoi des initiatives comme le tri des déchets ou l'approvisionnement local peuvent être demandées par l'association. Il y a également des étapes à suivre :

1. Tout comme le particulier, il faut prendre le temps de se renseigner.

2. Contacter l'antenne locale la plus proche de vous, et prendre rendez-vous avec un.e membre de la Roue pour qu'il.elle vous explique plus concrètement ce qu’implique le fait d’être parti prenant de ce dispositif.

3. Remplir une fiche d'information qui va être étudiée par un comité afin de vérifier si votre activité est en adéquation avec la charte de la Roue.

4. Une fois votre dossier validé par le comité, il n'y a plus qu'à adhérer à l'association.

Témoignages

Christelle, Philip et Barthélémy, membres de la Roue Marseillaise, se sont joints à nous pour répondre à nos questions.

Quel a été le déclic pour que vous utilisiez personnellement la Roue ?

"Le déclic c'est la rencontre, ça correspond à la manière dont j'envisage les échanges. Je vais dire quelque chose que je dis à chaque fois que je suis interviewé, c'est que malgré tout, le billet reste un billet, et je suis dans une logique aussi d'échange du temps, c'est ce qui m’a amené à la Roue. C’est la première réflexion que j'avais sur les échanges locaux et sur les réseaux de savoir. Je suis plus dans cette projection interne, par contre l'étape intermédiaire peut être la monnaie locale. Le déclic c'est pouvoir rendre opératoire un projet qui est encore plus lointain, c'est-à-dire donner son temps. Quand quelqu'un me sollicite en me disant je déménage, est-ce que tu veux venir ? Je viens et il ne me dit pas « ah tu as passé 3h42, je te paye combien de l'heure pour les 3h42 ». Non, j'ai donné 3h42 de mon temps, peu importe que ce soit ça ou 5h, jy suis allé parce que ça ma fait plaisir et peut être que cette personne ne viendra jamais m'aider le jour où je déménagerai mais peu importe, je l'ai fait parce que c'est comme ça, y'a eu un appel, j'ai eu la disponibilité et je l'ai fait." Philip

"Alors moi le déclic, il y en a eu deux en fait. Il y en a un qui était assez tragique, j'ai un copain de lycée qui s'était lancé dans l'agriculture, son exploitation a fait faillite et il a tout perdu, à tel point que comme beaucoup d’agriculteurs, il a songé à se pendre. Quand je lui ai demandé ce que j’aurais pu faire pour l’aider autrement que participer à une cagnotte sur leetchi, où j'ai contribué à ce qu'il puisse racheter sa voiture ou pour au moins l'aider à avoir un endroit où dormir dans un premier temps, il m’a dit « eh bien écoute la seule solution pour nous aider nous les agriculteurs c’est d’acheter en direct et de ne plus aller dans les supermarchés, que c’est la seule solution si tu veux que les choses changent ». Dans le même temps, j'ai vu le film Demain où il est question des monnaies locales. [...] Le déclic, ça a été cet événement tragique et la découverte de ce film, une espèce de synchronicité". Christelle

"Personnellement, ce n'est pas le fait de l'utiliser mais le fait de travailler dans l'association, c'était plus l'idée de s'investir dans l'association plutôt que d'entrer par l'usage de la monnaie." Barthélémy

Qu'est-ce que la Roue a changé pour vous ?

"J'ai découvert tout un aspect de Marseille que je ne voyais plus ou que je ne voyais pas, surtout avec des tas d'initiatives qui allaient dans le sens de ce à quoi j'aspirais. Cela m'a réouvert les yeux sur la ville parce que moi je suis marseillais d'origine, et je redécouvre une vitalité, des énergies qui font plaisir à voir. C'est déjà énorme." Philip

"Le fait de faire ça [travailler pour la Roue] fait du bien parce que ça ancre à nouveau dans la vraie vie, dans les vraies valeurs, dans ce qui est fondamental pour l'humain. En effet, ça met en lumière les gens qui se donnent du mal, et qu'on ne voit plus parce que les médias sont formatés, la société est formatée. Puis, ça met de l'air frais dans la ville aussi parce que c'est plein de fantaisies. [...] Quand on commence à utiliser la Roue, on a pas le même argent que tout le monde, la même façon de voir que tout le monde, c'est un peu magique. En plus, on peut transformer des euros en Roues, on met des euros de côté et on utilise une super monnaie qui a une vraie valeur. [...] Et évidemment, de supers rencontres notamment les professionnels." Christelle

Recourrez-vous malgré tout à l'euro ?

"Parce que je n'ai pas d'autres moyens. Je suis sur Allauch, et pour l'instant sur Allauch, on a pas de commerces ou de professionnels qui acceptent la Roue. [...] La deuxième occasion qui m'a été donné d'utiliser la Roue, c'était au mois de juillet dans le 05, j'étais aux anges parce que j'étais au marché de Briançon, où il y avait des producteurs qui acceptaient la Roue, et j'allais au biocoop de Briançon qui lui acceptait la Roue. C'était le kiff absolu, à tel point je ne n'avais pas anticipé suffisamment et que je n'avais plus de Roue à la fin du séjour." Philip

"Je fais le maximum pour n'utiliser que les Roues. Pour ma consommation alimentaire, je n'utilise que des Roues, j'ai la chance d'être dans un quartier qui est bien pourvu. Pour les habits aussi, je privilégie les Roues." Christelle

"Je suis un peu excentré donc je ne l'utilise pas forcément directement autour de chez moi mais j'essaie de passer par des endroits qui prennent la Roue quand je suis en centre ville pour le travail. Essayer d'acheter la bière dans une cave qui prend la Roue plutôt qu'aller au supermarché, même si je ne le fais pas à chaque fois. Prendre mes fruits et légumes aussi, j'ai arrêté de les prendre en supermarché je ne les prends qu'aux marchés de producteurs et en Roue quand je peux." Barthélémy

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https://larouemarseillaise.org/