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Lancement du portail Mars Imperium - Ancrages

Rédigé par Samia Chabani, journaliste et rédactrice en cheffe de Diasporik, coordinatrice de l'association Ancrages

Réunissant une soixantaine de personnes (chercheuses et chercheurs, professionnelles des humanités numériques, membres des institutions culturelles, acteurs du monde associatif, militant.e.s, étudiant.e.s, développeurs web, graphiste et cinéaste), ce projet, porté pendant 3 ans par Céline Regnard et Xavier Daumalin, professeurs d’histoire contemporaine, a pour ambition d’aborder l’histoire du fait impérial à Marseille comme un « fait social total » de longue durée et de restituer le résultat de ses travaux sous la forme d’un portail web donnant accès à un ensemble d’objets numériques (web-documentaire, reconstitutions virtuelles, balades numériques, film documentaire, médiathèque) coproduits par l’ensemble des partenaires du consortium.

Ancrages remercie l’AMU et en particulier Telemme de nous avoir associer à cette recherche qui se voulait collaborative.

  1. Notre implication s’appuie sur la nécessité du dialogue entre le milieu de la recherche et de la société civile qui n’a pas seulement vocation à diffuser les recherches car les citoyens contribuent par leur interpellation à révéler la valeur conflictuelle du patrimoine en particulier dans l’espace public.

Ils sont aussi garants de la défense de la liberté académique et plus largement de la démocratie.  Défendre les sciences et les humanités, la liberté académique et l’Université comme piliers d’une société démocratique suppose que l’on défende également les libertés associatives, les droits culturels notamment ceux des minorités à prendre part au récit et bénéficier de moyens d’accès aux savoirs et à leur production.

A Ancrages nous continuons à plaider pour un lieu dédié aux mémoires migratoires notamment les migrations postcoloniales sous représentées dans les projets patrimoniaux et parfois académiques notamment lorsqu’ils sont portés par les personnes concernées.

Cette agentivité est garante de légitimité et de respect des droits culturels. Le lieu est une forme d’enracinement nécessaire pour fixer les mémoires et reconnaître la place de chacune et chacun dans l’espace narratif.

  • Colonisation versus Impérialisme

En ce qui concerne la colonisation, l’espace mémoriel semble à la fois saturé et partiel :

la mémoire coloniale reste une ligne de fracture de la société française qui renvoie de manière systématique, quoique largement impensée, à la question piégée de l’identité nationale et, effet collatéral, à la présence des migrants coloniaux et postcoloniaux.

Avec ce titre, il s’agissait d’aller au-delà de l’histoire coloniale et de comprendre les persistance dans nos sociétés de formes de domination, inscrite dans l’économie et la politique mais davantage encore la culture.

Marseille a été une métropole d’empire avec une propagande puissante dont la ville porte encore les stigmates.

L’histoire de la colonisation et des formes d’impérialisme qui perdurent, doivent être « mis à distance », explicité et désigné comme tel. C’est par cette voie que nous retrouverons une forme de cohésion sociale.

Au contraire, l’injonction au silence face au récit dominant renvoie une part considérables des demandes sociales de mémoire à une fin de non-recevoir.

C’est une des formes d’engagement que porte notre association depuis 25 ans, prendre la parole pour favoriser un narratif urbain inclusif et respectueux des mémoires qui le compose, accueillir l’émergence de nouvelles questions et de la part de publics pour lesquelles l’allégorie ne va pas de soi !

2. Les balades dans leur forme numérique offrent une version augmentée des sources et des œuvres présentes dans les collections de la ville de Marseille et des balades que nous avons menées pendant plus de 20 ans.

Avec Mars Imperium, nous nous sommes engagés sur la production de 3 parcours de balades, Deux sont livrées, une reste à finaliser.

  • Marseille, métropole d’empire
  • Imaginaire(s) et héritage(s) coloniaux dans les arts
  • Recours et conditions de vie de la main-d’œuvre coloniale à Marseille

L’apport des chercheurs impliqués à nos côtés notamment Luc Georget conservateur du Musées des Beaux-Arts, et Julie Rateau, historienne de l’art nous a permis de mieux appréhender le lien entre codes académiques de l’histoire de l’art qui est une discipline ayant pour objet l’étude des œuvres dans l’histoire, et du sens qu’elles peuvent prendre dans leur contexte de production. 

Avec Luc Georget, conservateur au Musée des beaux-arts de Marseille sur la section orientaliste du Musée des beaux-Arts, les codes académiques (antiquité, colonialité), la statuaire, l’architecture impériale à Marseille,
Avec Julie Rateau-Holbach, doctorante en histoire de l’art au laboratoire TELEMMe sur Les arts aux Expositions coloniales de Marseille de 1906 et 1922 : entre régionalisme et impérialisme,

L’apport qu’avait suggéré Sophie Deshayes, chargée de mission Recherche au Pôle des Musées de Marseille a permis d’étudier également les processus de création des artistes, leur influence dans ce contexte colonial, d’interroger les collections et leur mise en valeur…

  • Marseille, métropole d’empire

Véritable port mondial depuis le XVIIIe siècle, la ville de Marseille s’est en partie construite à l’aune des ressources puissants de son histoire impériale. Dès la fin du XIXe siècle les élites économique, scientifique et politique de Marseille œuvrent pour ancrer son destin au premier rang du projet colonial de la IIIe République. Les étapes de cet itinéraire visent à découvrir et analyser les différentes traces urbaines de cette construction politique impériale.

  • Imaginaire(s) et héritage(s) coloniaux dans les arts

Cet itinéraire propose des étapes qui permettent d’aborder les imaginaires coloniaux dans les productions artistiques, notamment à l’occasion des expositions coloniales de 1906 et 1922.

L’enjeu de chaque halte réside dans le rappel du contexte de production des œuvres et dans l’analyse critique de leur impact actuel. Plus largement, il s’agit de revenir sur l’histoire culturelle et politique qui situe un monument, une œuvre, un musée comme un outil au service de ceux qui le produisent, mais aussi un reflet de l’idéologie dominante porté par plusieurs mouvements artistiquesà différentes époques, soutenu ou illustré le colonialisme, parfois explicitement et parfois en le normalisant ou en le glorifiant.  Ces œuvres ont véhiculé des stéréotypes sur les peuples colonisés (indolence, sensualité, violence, passivité), justifiant implicitement la mission civilisatrice européenne. Elles ont aussi contribué à fixer l’image de l’Orient comme un lieu d’exotisme et d’hyper érotisation, participant à la soumission à l’occupation coloniale et au mythe du bon sauvage.

3. Les acquis :

  • Nous avons pris connaissance des sources complémentaires pour documenter et transmettre cette histoire longue (qui nous lie et nous a lié souvent dans la violence.)
  • D’articuler avec des récits historiques, des collections, des archives à partir d’un seul portail

Les balades initiales ne permettaient d’articuler des sources numériques et numérisées dans une définition très qualitative. Nous pourrons désormais mobiliser le portail dans nos parcours urbains et les notices historiques que nous avons réalisées également.

Contre toute attente, les thématiques des migrations et des colonisations ont toujours suscité beaucoup d’intérêt et mobilisé de nombreux publics, qu’ils soient concernés ou néophytes.

Evidemment, l’objectif étaient de poursuivre en mobilisant les œuvres et les archives que nous mobilisons dans nos parcours, principalement pour interroger les représentations véhiculées.

J’étais personnellement curieuse des nouvelles sources qui pouvaient émarger de cette collaboration, avec le besoin de reconstituer le puzzle.

Notre attention restait portée sur les impensés coloniaux, la colonialité agissante comme formes résiduelles et structurelles du colonialisme qui perdurent aujourd’hui encore, avec la domination des épistémologies occidentales et marginalisation des savoirs autochtones, africains et asiatiques.

Mettant en scène les corps colonisés, les œuvres, spectacles freaks shows, expositions coloniales ont largement aux imaginaires coloniaux dont nous héritons. 

Comment la recherche, l’histoire de l’art et la production artistique contemporaine nous permettent de déconstruire les préjugés raciaux et genrés ?

 Associés autour de la recherche Mars Imperium, les intervenant.e.s ont parcouru la ville de Marseille, pour documenter des étapes de balades et réfléchir ensemble sur le message, la réception et les héritages des lieux marqués par la période coloniale. Ils reviennent ensemble sur l’état de l’art sur la question ainsi que les enjeux de poursuivre cette démarche sur la colonialité.