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Emouvance : Création, imaginaire, partage

ACOUSTIC LOUSADZAK-min

Je rencontre Françoise Bastianelli, directrice de l’association Emouvance, dans les locaux de la Ligue de l’Enseignement. Elle sort à peine d’un entretien sur l’accueil d’un volontaire en service civique, que je fais déjà couler le café pour notre interview. Habituée aux cadences intenses depuis qu’elle orchestre les projets de l’association, elle me raconte, la passion modulant la voix, l’histoire de l’association, de sa naissance à sa maturation.

Lousadsak : l’émergence de la lumière

Emouvance, c’est comme son nom l’indique d’abord une association créatrice d’émotions, par la musique. Mais aussi, une plateforme en mouvance perpétuelle, qui se renouvelle sans cesse par l’apport de projets variés, d’artistes qui vont redéfinir sans cesse la musicalité de l’association. L’association ne se contente pas de promouvoir les musiques d’improvisation, mais ressemble également à celles-ci. Elles ont tous deux en commun d’avoir leur lot de surprise, d’audace, d’originalité, d’influences variées. Toujours tourné vers le monde et jamais monocorde.
La compagnie est créée en 1994 par le contrebassiste Claude Tchamitchien, impulsée par son envie d’être indépendant dans l’industrie musicale. Il la fonde suite à la création de son orchestre «Lousadsak », signifiant « L’émergence de la lumière » en Arménien. Indépendant mais guère solitaire, il collabore alors avec Françoise Bastianelli afin de réaliser son ambition. Cette dernière orchestre toujours aujourd’hui la programmation variée de l’association, qui a désormais ajouté de nombreuses cordes et à son arc, et à sa contrebasse.

Une association en trois gammes

UN LABEL COSMOPOLITE
Alors qu’à son origine l’association était la plateforme de production personnelle de Tchamitchian, elle va bien vite accueillir et produire des musiciens qui se reconnaissent dans les codes artistiques d’Emouvance. Il faut le dire, rares sont les maisons de productions qui s’émeuvent des virtuosités de la musique d’improvisation. Françoise Bastianelli l’affirme par ailleurs. « Maintenant, la musique s’est industrialisée. On ne parle plus d’artisanat, on parle de rentabilité d’affaire.» Emouvance a cependant pris le contre-pied en poursuivant une tradition où l’on privilégie la passion et la qualité.
A cette heure, on comptabilise trente-huit disques qui ont été signés par le label.

UNE « COMPAGNIE NATIONALE »
Les projets de Tchamitchian restent un point central de l’association, même si de nombreux artistes ont désormais rejoint la famille des musiques improvisées. Le contre bassiste, en véritable passionné multiplie ses formations et ses projets. Si ses partenaires sont nombreux et toujours en mouvement, on peut néanmoins compter quatre projets fixes. Ainsi, vous pouvez toujours entendre jouer l’orchestre Lousadak, qui était, souvenez-vous, à l’origine de l’association, et ses inflexions de musique de chambre. Vous pouvez également suivre sa formation Traces qui mêle avec audace des sonorités jazz et des textes de l’auteur Beladian, en quête de la mémoire du peuple de ses origines, le peuple arménien. Avec ses compères de Ways Out, ce sont les inflexions de jazz et de rock qui seront privilégiés. Enfin, vous pouvez le retrouver en tête à tête avec sa contrebasse sur scène, dans ses projets Solo.
Depuis 2006, l’association a été élevée au statut de « compagnie nationale » en raison de son rayonnement à l’international. En effet, nous retrouvons Tchamitchian et sa contrebasse d’avantage sur les routes vers la Suisse, les Pays-Bas ou les pays Scandinaves, plus friand de musiques improvisées, que sur l’avenue de la Canebière.

UN FESTIVAL LOCAL
Mais si vous désirez écouter la crème de l’ « Emouvance touch », rassurez-vous, nul besoin d’aller jusqu’en Europe du Nord. Cette année, l’association organise pour la sixième édition le festival Les Emouvantes. Né à la Belle de Mai, le festival a déménagé l’an dernier au théâtre des Bernardines. Authentique et original, vous n’en retrouverez pas de similaire dans l’Hexagone. Françoise est ferme : « Ce n’est pas un festival de jazz ! ». Mais qu’est-ce alors ? Dès lors que l’on sort des étiquettes, les cloisonnements éclatent, et la poésie s’invite. S’il fallait nommer le point commun entre les artistes invités, ce serait leur « poétique du mouvement qui est à la source de l’inspiration ».
Cette année le festival aura lieu du 26 au 29 septembre et se portera sur le thème du « rythme de la parole », où le mot deviendra musical. A l’instar des années précédentes, les protagonistes d’Émouvance savent nous enthousiasmer les oreilles et les yeux en mêlant musique, arts visuels et poésie. L’an dernier, le thème portait sur la Mémoire, avant cela, sur les interprétations contemporaines des musiques du passé.
En savoir + : lestheatres.net/fr/macro-activity/946-festival-les-emouvantes

De la musique, mais aussi des valeurs
Si l’association nous offre avant tout de la musique de qualité, elle est également en quête perpétuelle de réaffirmation de valeurs et d’espoir en termes de politique culturelle. Françoise souhaiterait développer la diffusion de la musique improvisée à Marseille, boudée par les établissements culturels marseillais, en redoublant de concerts. Elle voudrait également développer des actions de médiation culturelle afin de varier le public des musiques improvisées qui peuvent parfois manquer de diversité.
Françoise nous confie par ailleurs, que c’est par militantisme qu’elle a choisi d’adhérer à la Ligue de l’Enseignement, en cohérence avec ses valeurs sociales. Car n’oublions pas la parole de Nelson Mandela : « La politique peut être renforcée par la musique, mais la musique a une puissance qui défie la politique."

Témoignage de Neylan TOPKAYA.