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Retour sur l'exposition "Sofa Poems" de Sergio Verastegui

Une exposition hors du commun dans un lieu hors du commun.

En un chaud samedi après-midi de Juin à Aix-en-Provence, nous sommes conviés à une visite guidée pour une exposition intitulée « Sofa Poems ». C’est Laureline qui nous accueille chaleureusement avec des verres d’eau et commence la visite dans le beau jardin du 3 bis f, lieu unique dont elle nous raconte l’histoire.

Cette histoire commence à la fin du XIXème siècle, lorsque le 3 bis f est construit. Il existe d’abord en tant que pavillon de l’hôpital psychiatrique Montperrin, dédié aux femmes d’où le « f ». Un siècle plus tard, au début des années 1980, en conséquence de l’évolution de la psychiatrie en dehors des hôpitaux, le pavillon ferme. Une équipe du personnel et des artistes lui redonnent vie en 1983, en le transformant peu à peu en un centre d’art au sein de l’hôpital. Une des principales vocations du projet est de décloisonner le milieu hospitalier, en particulier psychiatrique, en encourageant la présence d’activités externes non dédiées à ces milieux et en offrant de nouveaux espaces de création aux artistes.
Aujourd’hui, le 3 bis f rempli totalement cette vocation en accueillant une trentaine d’artistes chaque année en résidence en en mettant en place un grand nombre d’expositions et évènements artistiques divers. C’est aussi un lieu de vie, ouvert aux personnes intérieures à l’hôpital comme extérieures.


La visite continue à l’intérieur du bâtiment, dans la salle principale où se déroule l’exposition de l’artiste Sergio Verastegui. Là, 3 canapés espacés les uns des autres sont positionnés de manière verticale et occupent la pièce lumineuse. Chaque canapé est partiellement enveloppé d’un tissu froissé mi opaque mi transparent de couleurs vives. Une image pour le moins assez curieuse, qui déclenche en moi une cascade de questions et pensées tantôt confuses tantôt familières.


Certaines de ces questions viennent se clarifier au fur et à mesure de nos échanges, et de là émergent des thématiques : l’occupation de l’espace dans le quotidien, le domaine du privé ou encore la récupération d’objets. Le canapé étant un meuble, souvent encombrant, emblématique et pour beaucoup nécessaire à l’espace dans lequel on vit : son « chez soi ». C’est autour de lui que ce construisent beaucoup de nos interactions avec le quotidien, dans les moments les plus banales comme les plus mémorables. C’est en lui-même un espace d’échange et de conversation comme de solitude et d’introspection. Et c’est aussi là où l’artiste Sergio Verastegui écrit beaucoup de ses poèmes, présentés à l’étage sous forme de recueil écrits et d’enregistrements sonores, d’où le nom de l’exposition « Sofa Poems ». Sur les murs de la pièce, sont également encadrés des collages faits à partir de journaux et d’enveloppes, sur lesquels sont dessinés au stylo bille un canapé. Cela renvoie d’autant plus à des scènes quotidiennes familières, comme celle d’un proche lisant le journal sur le canapé, ou encore les petits dessins que l’on fait presque inconsciemment sur n’importe quelle enveloppe ou papier qui traîne en étant au téléphone par exemple. Bref, différentes textures, formes et couleurs viennent s’imbriquer dans l’exposition et ajouter du sens à ces sources de réflexions, mais elles viennent aussi les dérouter.


Entre la pièce centrale et le couloir du bâtiment, ce trouvent deux pièces étranges dont la lourdeur émotionnelle se fait ressentir avant même d’y avoir franchi le pas. Elles sont encadrées d’une belle mozaïque rappelant l’ancienne architecture des lieux. Les portes de ces pièces sont ouvertes et révelent un intérieur étroit, vide et sombre. L’une est envahie d’une lumière verte, l’autre d’une lumière rouge, émanants de seaux de peinture suspendus. Laureline nous informe qu’il s’agissait de d'anciennes cellules d'isolement du pavillon. Dans la pièce verte est écrit en lettres espacées « I can’t read ». Dans la pièce rouge, des sons atmosphériques se font entendrent comme un écho grave et distant, appelant à un moment de silence et de contemplation. Tout ce lie peu à peu. Les sofas et poèmes sont extraits de leur contexte d’intimité, pour venir emménager dans le 3 bis f, un espace lui-même réamménagé qui fut et qui reste chargé d’un contexte historique fort.

https://www.3bisf.com/

 

Article de Inès Bouhouche, volontaire en service civique